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Catherine Kirchhoff est née en 1962 à Genève où elle vit et travaille

Formation

1998 : Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire I et II en Arts Visuels

1995 : Diplôme de l’Ecole Supérieure d’Art Visuel, Genève

1991 : Parson School of New York, USA

1987-88 : University of California, Los Angeles, USA

1985 : Diplôme de l’EEPS, Université de Genève

1981 : Maturité artistique, Collège Claparède, Genève

1980 : Diplôme d’études secondaires supérieures, Toronto, Canada

 

démarche artistique

par Diane Daval Béran

Bananes rouges, 1999 113x84 cm.jpg

Voici une peinture alléchante, riche en saveurs colorées. Où que l’on se tourne, des formes se bousculent, en cascades, en diagonales, pour passer outre le bord des toiles et venir plus près de nous encore accaparer nos yeux. Parfois, l’animation se calme : ces arrêts sur image s’offrent alors comme de gros plans. Dans ces répits laissés au regard, soudain un éclair de conscience nous éblouit. Tout d’abord déroutés par la force des couleurs, nous reconnaissons maintenant des images familières. Car l’objet de la peinture ne se livre que dans un deuxième temps, et encore sans jamais s’imposer.

Mais oui, ce sont bien là des bananes ou une orange. Et là-bas, où le dessin se noue en mailles serrées, nous démêlons avec plus ou moins d’aisance des bonbons ou des amuse-gueule. Tout se mange, et pourtant rien n’ouvre l’appétit du ventre. La gourmandise ici est d’un autre ordre. Mais parce que les sujets alimentaires appartiennent au quotidien de tout un chacun, le travail de la peinture est d’autant plus manifeste. Du reste, plutôt que de sujet, il serait plus juste de parler de motifs. Car dès ses premières études d’après modèles, ce sont les formes qui les composent et non les objets en soi, avec leur chapelet de significations iconographiques, qui ont retenu l’intérêt de Catherine Kirchhoff. Elle se plait à jouer avec la plastique des objets, pour leur faire perdre tout caractère d’évidence. Seules les caractéristiques picturales s’offrent comme clairement définies (formes précises et couleurs franches). Pour le reste, la suggestion l’emporte sur la certitude. Au spectateur de s’y retrouver.

Après avoir dessiné des nus, des objets, puis des agencements d’objets, Catherine Kirchhoff en est tout naturellement venue à la publicité, monde qui l’a toujours fascinée sous toutes ses formes. Aujourd’hui, emballages et images publicitaires constituent l’armature de ses tableaux, accentuant l’effet de distanciation par rapport à l’objet. Les titres des tableaux s’offrent comme aussi anodins que les images qui leur servent de support, rappelant l’ingrédient visuel et ajoutant au goût de revenez-y un soupçon d’humour.

Ses choix se font par impulsions : dès lors qu’une reproduction lui plait assez pour l’inspirer, elle reste au plus près de ses formes, qu’elle veut souples, variées et irrégulières, plaquant son dessin sur les contours de son modèle. Mais quand viennent les couleurs, sa liberté se débride. Ici, aucune règle et surtout pas de fonction descriptive. Le chromatisme vif et contrasté de ses peintures ne dépend que des rapports des tons entre eux, selon les surfaces qu’ils animent, de manière totalement subjective.

L’acte de peindre, le contact physique avec la toile lui plait intensément, et elle se garde aussi la liberté de modifier certaines formes ou couleurs au cours de la réalisation. Comme ce n’est que lorsqu’elles sont parfaitement saturées qu’elle est satisfaite, elle les pose en plusieurs couches.

Après avoir travaillé brièvement au fusain, elle a adopté l’acrylique: elle lui offre les teintes lisses et couvrantes qu’elle recherche et la possibilité d’obtenir des limites parfaitement nettes entre les surfaces.

Cette technique est également particulièrement adaptée aux grands formats que Catherine Kirchhoff affectionne. En optant pour de grandes toiles, l’artiste immerge complètement le spectateur dans l’image, corroborant ainsi le parti pris de ses points de vue. Dès ses débuts, elle s’est plu à isoler des détails de corps ou d’objets et à les agrandir jusqu’à les rendre difficilement identifiables. Du fragmentaire, centré sur la toile, qu’elle pratique encore aujourd’hui, elle est passée à la fragmentation de la surface picturale, par la prolifération d’un motif répété sur tout le support et même au-delà. Au-delà, parce qu’avec l’éclatement du centre, les limites du tableau ne parviennent plus à contenir les événements plastiques, qui fourmillent et débordent. C’est le « all over », cet espace ouvert sur l’en dehors, conséquence de l’intense animation intérieure.

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Décadrés ou hors cadres, ces tableaux abandonnent tous les ingrédients de la peinture représentative: ni clair-obscur, ni perspective. Les ombres n’existent plus que comme prétextes aux couleurs et la perspective n’est même plus un souvenir. Plates sont les surfaces, plan est l’espace. L’étendue remplace la profondeur. Les figures deviennent fond, le fond prend corps.

De la réalité des sujets ne demeure que la logique de leur organisation formelle. Il ne s’agit pas de copier, mais de comprendre les formes. Qui plus est, les changements d’échelle et la totale indépendance des couleurs font décoller l’oeuvre d’un réel qui ne l’est déjà plus, puisque l’objet qui sert de motif ne provient pas directement de la réalité, mais de la publicité, dont la raison d’être n’est pas de l’ordre du témoignage ni de la contemplation, mais de l’efficacité. Image d’une image déjà réfléchie, image au carré pourrait-on dire alors de cette peinture qui aime à se jouer des formes et des couleurs pour enlever aux provisions de bouche leur pellicule de familiarité et les transformer en présence interrogative, par le décalage qui s’instaure entre l’habituel et l’inaccoutumé.

Débanaliser la vision pour retrouver le goût des yeux et dévorer sans retenue, mais du regard…